A Propos de Cassiodore - Charles Boisart

     Avoir un père artiste, graveur et calligraphe, m’a dès le plus jeune âge montré le chemin. Je me souviens encore de l’odeur de l’encre, du bruit de la plume sur le papier, de la souplesse du cuir, de la précision des gestes. Son atelier était mon terrain de jeu. Pour mes huit ans, il m’a offert mon premier stylo calligraphique qui accompagnait un manuel d’apprentissage aux lettres gothiques. Un coup de foudre. Mon premier Amour. Elles cristallisent pour moi toutes les écritures. Elles peuvent être droites et sévères, rondes et douces, anguleuses et saccadées. Elles permettent la rigueur comme l’extravagance, elles sont écriture autant qu’abstraction. Ma curiosité artistique s’est aiguisée lors de mes études aux Beaux-Arts de Tournai, en Belgique, où de 2001 à 2006 j’ai appris à poser un regard sur le monde, à réfléchir et à appréhender l’essentiel. La calligraphie s’est à nouveau imposée à moi, comme une évidence. J’ai alors laissé courir mon imagination, j’ai travaillé le geste, qui se doit d’être précis et rigoureux, en retranscrivant notamment l’Apocalypse selon Saint Jean. Ce texte correspondait à mon univers, qui s’épanouit autour de la culture metal. J’ai toujours intimement mêlé musique et création, la première étant le sel de la seconde. Je me suis aussi attardé sur l’œuvre de Baudelaire, poète qui est devenu en quelque sorte la clef de voûte de mon travail.

     Si mon parcours professionnel a été varié et s’est en apparence éloigné de la calligraphie ( j’ai ouvert un salon de thé à Bruges puis suis venu m’installer en Bretagne ), elle a toujours été présente dans mon quotidien, jusqu’à ce que la crise que nous traversons me prouve qu’il était temps de replacer ma vie d’artiste au cœur de mes préoccupations. Ce temps de pause m’a permis de définir mes priorités, de mener une vraie réflexion autour de l’art, et surtout de légitimer ma pratique.

     Au fil du temps ma vision de la calligraphie a évolué, elle s’est affûtée. En mûrissant, elle s’est modernisée. Loin de renier les héritages du passé ( je continue à apprécier le travail classique, entre enluminures et lettres ), je la vis aujourd’hui comme une danse, un geste, une harmonie entre le Sens et les Sens. Je la décline au gré de mes visions, au gré de mes envies.

     Si l’écrit est ce qui reste, autant qu’il soit Beau.

 

 

 

Cassiodore, 480-575

Un héros des bibliothèques

BIOGRAPHIE:

Issu d'une illustre famille, Cassiodore est né en Calabre, en Italie, entre 470 et 480. Il apprend le grec, les arts libéraux et développe des sentiments religieux très profonds.

Il s'attire, par la noblesse de son caractère et par sa grande érudition, la faveur et l'amitié des grands princes ostrogoths. En des temps troublés où, sur les ruines de la civilisation romaine, se développe l'Empire ostrogoth, Cassiodore est à la cour du prince ostrogoth Théodoric l'interprète de la culture classique ainsi que le porte-parole de l'empereur auprès de ses sujets romains.

Après la mort de son ami Théodoric, Cassiodore fuit les luttes de pouvoir et se retire loin du monde dans le monastère de Vivarum, qu'il a lui-même fondé en Calabre. Il y passera les trente dernières années de sa vie à mettre en oeuvre la transmission de l'héritage gréco-romain à un Occident tombé aux mains des Barbares.

À soixante-dix ans, son activité est toujours aussi intense. Le monastère devient une véritable « ville d'études ». Cassiodore y introduit habilement les sciences profanes et les sept arts libéraux y sont très largement enseignés. Faute de pouvoir fournir des maîtres à ses moines, il leur fournit des livres. Commence alors une très grande période où la Bibliothèque va se substituer à l'Université.

À l'usage de ses moines, il écrit les Institutiones, sorte de guide de l'étudiant en Écriture sainte; il y introduit les arts libéraux qui font figure de disciplines auxiliaires de la science biblique. Soucieux de la préservation des livres et de la transmission du savoir aux générations futures, Cassiodore tente d'uniformiser les codes de l'écriture. La chute de l'Empire romain avait en effet entrainé une véritable anarchie du langage et des bases élémentaires de la grammaire. Ce désordre, ajouté à la pénurie de copistes compétents, risquait de faire disparaître le patrimoine culturel. Cassiodore établit alors des règles pour la copie et la reliure. Le catalogue des livres du monastère est ainsi arrivé presque intact jusqu'à nous.

Parallèlement, il rédige un grand nombre d'ouvrages qui seront une source pour les Pères de l'Église. Travailleur infatigable, il invente un système de lampes pour que la nuit ne soit pas un obstacle à l'étude.

À quatre-vingt-treize ans, il se lance dans la rédaction d'un traité d'orthographe.

Avec Isidore de Séville, il a contribué à transmettre à l'Occident la culture antique. Après une vie exemplaire de moine historien, ministre, copiste, ce « restaurateur des sciences » et « grand héros des bibliothèques », meurt à près de cent ans.

Source: classes.bnf.fr